Quand Vaniš devient Vanišová
J’étais en train de regarder les différents alignements des équipes pour le championnat mondial lorsqu’un détail m’a sauté aux yeux.
Tous les noms de famille des joueuses de l’Équipe Tchéquie se terminent par VÁ. Je trouvais ça incroyable! J’ai fais une publication et une personne m’a fait réaliser que ce sont les trois dernières lettres qui sont toutes identiques – OVÁ – et qu’il s’agit d’une norme en Tchéquie.
On y change le nom de famille des femmes mariées. Je vous explique.
Depuis 1945, en Tchéquie, lorsqu’une femme se marie à un homme, elle doit changer son nom de famille pour celui de son conjoint, en ajoutant le suffixe OVÁ. Par exemple, Novak devient Novaková. Il y a quelques exceptions comme quand le nom de famille de l’homme se termine par une voyelle. Par exemple Kvita devient Kvitová. Et les filles du couple continuent à porter le nom de famille se terminant en OVÁ.
Au milieu des années 1940, le but était de purifier la langue tchèque et de « tchéquiser » les noms de famille, à une époque où plus de deux millions d’Allemands ont été forcés de quitter le pays après la Deuxième Guerre mondiale.
Toutefois, dans les récentes années, il y avait de plus en plus de mécontentement en lien avec ce changement. D’un côté on craignait ne plus être capable de reconnaître une femme en lisant un nom dans un texte alors que de l’autre, on apportait des solutions comme celles d’ajouter le prénom de la femme ou encore d’ajouter un titre comme madame. La Slovaquie et la Pologne avaient eu des règles similaires et leurs changements n’avaient créé aucun enjeu. C’est d’ailleurs un phénomène commun à la plupart des langues slaves.
C’est finalement tout récemment, depuis 2022, que la loi a changé et qu’une femme n’est plus obligée de changer son nom de famille.
C’est pourquoi Tereza Vanišová de la Charge d’Ottawa a un frère, qui a aussi joué au hockey professionnel dans son pays, et qui se nomme Marek Vaniš, nom de famille de leur père Rudolf.
Le tout fait partie d’une plus grande histoire, celle de l’évolution du nom de famille d’une femme et des droits des femmes.
Au Québec, les femmes n’ont pas le choix
Au Québec par exemple, le nom de famille des femmes disparaît à la fin du 19e siècle. Pas juste le nom de famille, mais le prénom aussi. Une femme se nommant Agathe Dumouchel et qui mariait un Arthur Landry, devenait légalement Mme Arthur Landry. Bien entendu, elle gardait son prénom et son titre dans la vie courante, mais d’un point de vue légal, son nom était celui de son mari.
Puis, au siècle suivant, à la suite du mouvement d’émancipation des femmes, c’est uniquement le nom de famille qui allait changer. Bien que l’épouse n’était pas obligée de prendre le nom de son mari, la majorité le faisait. Avec les divorces devenus légaux en 1968, cela devenait tout de même compliqué. Alors en 1981, la réforme du Code civil a fait en sorte que les époux devaient conserver leurs noms de naissance respectifs une fois mariés et que l’enfant pouvait avoir l’un, l’autre ou les deux noms de famille. C’est donc depuis le 2 avril 1981 que tous les couples mariés doivent conserver leur nom de famille. Le Québec est d’ailleurs la seule province canadienne à interdire le changement de nom après le mariage.
Aux États-Unis, bien que ce ne soit pas obligatoire, un sondage de 2023 révélait que 80% des femmes mariées changeaient leurs noms pour celui de leur mari. En France, il s’agit de 70% des femmes mariées. Ce pourcentage est également élevé au Canada anglais.
Maintenant, certains groupes croient que la femme québécoise devrait être en mesure de choisir son nom une fois mariée. Toutefois, à mon humble avis, c’est quand on met le tout dans son contexte historique et qu’on réalise qu’il n’y a pas si longtemps, la femme n’avait simplement pas de nom légal propre à elle, que l’on comprend mieux pourquoi une telle loi existe.
Dans tous les cas, ce que je croyais être une coïncidence extraordinaire m’a fait découvrir un pan de l’histoire des droits des femmes dans certains pays que je ne connaissais pas.
Lásková, Vanišová et Mrázová ont débuté leur tournoi hier avec une victoire contre la Suisse et affronteront le Canada lundi prochain.
crédit photo: Instagram de Tereza Vanišová/DEB/Citypress GmbH